La manipulation et le corps : les clés de l’apprentissage ?
Or, les récentes recherches en neurosciences et en psychologie démontrent que nos fonctions cognitives fonctionnent avec, et non en dehors, de nos capacités motrices et sensorielles. Activer le corps et les sens faciliterait ainsi la compréhension et la mémorisation. Certaines matières enseignées à l’école, comme les mathématiques, pourraient en bénéficier bien plus largement, afin de sortir de la seule abstraction des calculs et de donner une emprise concrète aux exercices.
Le corps et les émotions jouent un rôle prépondérant dans le développement cognitif des tous petits
Les récentes recherches en neurosciences convergent pour démontrer que nos capacités cognitives ne sont pas indépendantes de nos émotions, de nos perceptions et de nos actions. Autrement dit, comprendre et apprendre n’engagent pas seulement l’esprit, mais aussi le corps. La capacité d’un enfant de quelques mois à percevoir les objets en 3D est directement liée à sa capacité à se tenir assis, car cette position lui offre davantage d’opportunités pour manipuler des objets. La manipulation lui permet une nouvelle expérience visuelle et tactile qui lui fournit à son tour de l’information sur la forme des objets.
Lorsqu’un enfant se met à marcher, il développe un nouveau rapport aux objets : intentionnel et instrumental.
Certains chercheurs émettent même l’hypothèse que la compréhension des concepts abstraits vers l’âge de deux ans trouve son origine dans les émotions, profondément corporelles. En mettant des mots sur ses ressentis, qui n’ont pas de réalité tangible à l’extérieur, l’enfant développe sa capacité d’abstraction. L’expérience sensori-motrice est donc déterminante dans l’apprentissage des concepts chez les tout petits. Il serait néanmoins erroné de penser qu’elle perd de son importance avec l’âge.
L’engagement corporel facilite les apprentissages chez les écoliers
La psychologie cognitive parle de « cognition incarnée » pour exprimer l’idée que notre cerveau ne fonctionne pas « hors de notre corps », mais qu’il en fait partie intégrante et qu’à ce titre, nos capacités cognitives et nos expériences corporelles et sensorielles sont intimement liées. Notre système moteur influence notre système cognitif, tout comme notre esprit commande nos actions.Une équipe de chercheurs en psychologie des universités d’Arizona et du Wisconsin a étudié le lien entre la compréhension et la manipulation d’objets chez des enfants de 6 à 7 ans. Le groupe a été divisé en deux : une partie des enfants devait lire un texte, puis reproduire l’histoire à l’aide de figurines ; l’autre partie se contentait de lire le texte.
L’engagement corporel facilite la compréhension intellectuelle.
Cette notion d’apprentissage « incarné » est d’ailleurs l’un des piliers de méthodes éducatives alternatives, en particulier la méthode Bruner (à l'origine de l'approche “Concrete, Pictoral, Abstract” de l’école mathématique de Singapour ) ou Montessori. Cette-dernière prône l’importance d’un équilibre entre l’intellectuel et le corporel. Ainsi, l’expérience physique – utiliser ses sens, faire des activités manuelles, se mouvoir, etc. – fait partie intégrante des techniques d’apprentissage mobilisées. Les disciplines sont expliquées par l’enseignant, puis sont expérimentées par les élèves à l’aide d’objets, de jeux, d’images, etc. Les enfants sont aussi encouragés à développer leurs perceptions sensorielles à l’aide d’un matériel varié : des cartes de couleurs aux nuances subtiles, des papiers de verre aux grains plus ou moins fins, de petits cylindres produisant chacun un son légèrement différent, etc. Les enfants sont plus attentifs dans leurs expériences et plus précis dans leurs descriptions.
Pour développer et mémoriser ses apprentissages, l’enfant sollicite l’ensemble de ses capacités sensorielle
A l’école, l’enseignement est largement fondé sur l’écoute et sur la lecture de textes ou de symboles mathématiques. Le recours aux images ou aux objets, s’il existe dans les plus petites classes, est rapidement laissé de côté au fur et à mesure que l’enfant grandit.
Lorsque l’enfant est actif, il est aussi davantage engagé dans son apprentissage.
Lorsque l’enfant est actif, il est aussi davantage engagé dans son apprentissage. Par exemple, en mettant en application les mathématiques autour d’un projet concret tel que l’aménagement d’un espace, ou la construction d’un objet, l’enfant comprend pourquoi et comment mettre en oeuvre les explications théoriques. Il est ainsi davantage impliqué et, par la suite, mieux en mesure de remobiliser ses acquis dans un autre contexte.
L’efficacité de la visualisation et de la gestuelle dans les opérations de calcul mental : le succès de la méthode Abacus

L’abacus permet de visualiser des additions, soustractions et multiplications !
C’est le cas notamment à Lingolsheim, près de Strasbourg, où enseignants comme élèves sont conquis. En effet, tout en étant ludique, cette technique permet une exactitude et une rapidité de calcul impressionnantes. Elle est d’ailleurs utilisée par certains champions du calcul mental. Sa particularité et sa puissance est de faire intervenir la visualisation et la gestuelle en support du raisonnement mental, ce qui facilite nettement les opérations. Les enseignants parlent également d’une capacité de concentration accrue des enfants.
Le rôle de l’adulte reste central pour guider l’enfant dans ses expériences
Si la manipulation d’objet et l’expérience concrète sont des supports d’apprentissage très intéressants, celles-ci prendront tout leur intérêt si elles sont guidées par un adulte. En effet, l’apprentissage passe aussi par l’imitation : le fait de regarder quelqu’un d’autre réaliser une action, stimule notre cerveau de la même façon que si l’on était en train de réaliser l’action nous-même. On parle de « résonance motrice ». Pour comprendre une action, notre cerveau a besoin de la simuler. L’observation de quelqu’un en train d’agir permet cette simulation. Ainsi, il est important d’expliquer et d’utiliser le matériel d’apprentissage devant l’enfant, avant que celui-ci puisse se l’approprier en toute autonomie
Les conseils de Sapiensa :
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Essayez de varier au maximum les supports d’apprentissages de vos enfants : jeux éducatifs, supports visuels, auditifs, etc.
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Guidez votre enfant dans la découverte de nouveaux jeux éducatifs pour lui montrer comment faire, puis laissez-le expérimenter en toute autonomie.
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Multipliez les formats et méthodes d’apprentissages pour un concept donné. Cela permettra à votre enfant de revoir une même information selon un angle différent et favorisera la mémorisation et la compréhension.