Comprendre et accompagner un enfant au comportement violent avec Lauranne, consultante en éducation positive
En grandissant, l’enfant peut parfois se montrer violent. Il se met soudainement à frapper et à mordre pour extérioriser ses émotions. Les jeunes parents peuvent facilement se sentir inquiets et ne pas savoir comment réagir face à cette situation.
Afin de les aider à appréhender et accompagner leurs enfants dans ces comportements, nous avons interrogé Lauranne, consultante et formatrice en éducation positive chez Happy Nanny, pour nous éclairer sur le sujet.
Quand un enfant frappe / mord, on a tendance à croire qu’il le fait par méchanceté. Est-ce le cas ?
Quelle émotion peut amener un jeune enfant à se montrer violent ?
Les enfants peuvent taper ou mordre lorsqu’ils sont frustrés ou en colère, ou parfois même lorsqu’ils sont très excités ou enthousiastes. Quelque soit l’émotion, elle déclenche toujours une réaction physique.
Nous n’en avons pas toujours conscience en tant qu’adultes, car parfois (souvent !) nous avons appris à taire nos émotions et nous nous sommes déconnecté.es des sensations physiques. Mais si l’on prend le temps de s’observer, on réalise qu’à chaque émotion est associée une réaction physique. C’est évident avec la tristesse qui engendre des pleurs, avec la peur qui coupe les jambes, fait battre le cœur. Mais observez votre corps la prochaine fois que vous serez en colère, frustré.e, déçu.e…
Est-ce qu’un enfant qui frappe / mord est un enfant qui manque d’empathie ?
Un enfant qui tape ou mord, ne le fait pas POUR être méchant, pour faire mal. Il le fait parce qu’il a une réaction physique à son émotion.
Est-ce un problème fréquent ? Quel peut en être le déclencheur ?
Dans mon expérience d’accompagnement des familles, je rencontre ce comportement dans presque 100% des familles que j’accompagne.
Le déclencheur peut être : une émotion forte, colère, frustration ou une accumulation de stress qui empêche l’enfant de réguler ses réactions ou encore un appel au secours. En effet, de nombreux enfants qui vivent une situation d’agressivité à l’école ou autre, même sans gravité, peuvent exprimer leur malaise en répercutant l’agressivité à la maison sur les parents ou la fratrie.
Et puis tout simplement, il y a aussi chez les plus petit.es, le besoin d’exploration : puis-je faire du tambour sur la tête de papa ? Quel bruit ça fait quand je tape sur maman ? Quand je mords papa, c’est comment ? C’est quoi la différence entre un bisou et une morsure sur maman ? Il y aussi parfois des petit.es qui tapent ou mordent pour entrer en relation. Avec ces enfants, on pourra prendre le temps de leur apprendre d’autres manières d’entrer en contact.
En tant que parent, comment comprendre ce qui l’amène à mordre / frapper ?
C’est en observant notre enfant que l’on va savoir quelle émotion a déclenché le geste. Et lorsque la réponse n’est pas évidente, lorsque par exemple, un enfant de 5, 6 ans semble frapper « sans raison » alors qu’il n’avait pas eu ce comportement depuis ses 2 ou 3 ans, on peut s’interroger sur ce qu’il vit en ce moment et qui peut le mener à faire ce geste.
- Est-il stressé à l’école ?
- A-t-il récemment vécu un changement ?
- Subit-il des moqueries ? Des humiliations ?
- Est-il puni, mis au coin ?
- Voit-il de la violence ?
On pense tout de suite à des images de films violents ou à des violences intra-conjugales. Mais il suffit parfois de pas grand-chose pour heurter un enfant sensible : des adultes qui crient à l’école, des copains, copines qui se moquent…
On aurait tendance à vouloir punir cet acte qui semble “mal”. Est-ce une bonne solution ?
D’après Jane Nelsen qui a écrit « La discipline Positive », la punition peut chez certains enfants déclencher un désir de revanche. Ce serait donc complètement contre productif de punir un enfant qui a tapé ou mordu.
Jane Nelsen explique aussi que certains enfants se mettent en retrait, ou vivent de la rancœur, d’autres se rebellent. Bref, il n’y a pas vraiment de place pour la réflexion ou l’apprentissage d’un nouveau comportement. Or ce dont l’enfant a besoin lorsqu’il tape, c’est soit d’apprendre à exprimer autrement son émotion, soit d’apprendre à explorer autre chose que les joues de papa et maman, soit d’une écoute bienveillante.
Comment peut-on réagir pour calmer l’enfant ?
Lorsque c’est un bébé qui explore :
- on peut lui dire “Aië, Stop, ça fait mal quand tu me mords”
- lui proposer un objet qu’il ou elle peut mordre.
Si c’est un enfant qui tape ou mord suite à une émotion :
- on peut dire que l’on a mal
- s’il a tapé une autre personne, on peut en toute logique s’intéresser d’abord à cette personne : “Tu as mal ? Ca va ? Tu as besoin de quelque-chose ? ”. C’est important pour la victime, mais cela permet aussi à l’enfant qui a tapé de prendre conscience de son geste et de ses conséquences, mais aussi de voir à l'œuvre l’empathie. A force de voir les adultes agir ainsi, on peut espérer qu’il apprendra par l’exemple.
Ensuite, si l’enfant est encore dans l’émotion :
- on peut essayer de verbaliser son émotion, pour entrer en contact : “tu étais en colère, c’est ça ?” Expliciter la situation clairement permettra à l’enfant de se sentir compris et de s’apaiser : “tu voulais …et ça t’a mis en colère, tellement que tu as tapé, c’est ça ?”
- Une fois l’enfant à l’écoute, on pourra chercher ensemble simplement des solutions pour éviter de taper dans ce genre de situation ET chercher à réparer le geste violent. J’aime passer par des questions parce que cela habitue les enfants à chercher des solutions, cela stimule leur intelligence et donc favorise la coopération. “Qu’est-ce que tu peux faire dans un cas comme ça?” “Untel a été blessé, qu’est ce que tu peux faire pour le consoler ?” “Tu sais ce qui fait du bien quand quelqu’un nous a fait mal”. Évidemment au début, l’enfant NE SAIT PAS, vraiment. Alors, on peut le guider. "Quand on dit pardon, ça fait du bien.” Très souvent, les enfants, sous la pression du regard extérieur, n'osent pas dire pardon. J’aime leur proposer de le faire quand ils seront prêts ou de le faire à leur place.
Dans certains cas, l’écoute empathique des émotions ne fonctionne pas. L’enfant est dans une crise que rien ne semble calmer. Dans ce cas, il faut :
- sécuriser l’enfant et celleux qui pourraient être tapé.es ou mordu.es et considérer la situation sous un angle complètement différent. L’enfant est dans la tempête. Et l’adulte est son bateau de secours. J’aime dire que dans ces cas-là, je me comporte avec l’enfant comme je le ferai avec une personne en crise de panique. Je l’aide à retrouver son calme comme je peux ! Ce n’est pas toujours facile… Mais dans ces moments-là, j’abandonne toutes ambitions éducatives, je ne cherche plus à apprendre quelque-chose à l’enfant, j’essaie juste de l’apaiser.
Est-il possible d’expliquer à un enfant de 1-3 ans que ce n’est pas bien ? Est-il capable de le comprendre ?
Les enfants comprennent les limites grâce à la répétition et à l’exemplarité. Je ne crois pas qu’il y ait nécessité à dire que “ce n’est pas bien”. Apprendre ce qui est “bien” ou “mal” est plutôt un processus. C’est vers 6 - 7 ans, le fameux âge de raison, que les enfants intériorisent les questions de moral. Avant cela, ils découvrent ce qui est acceptable ou non dans leur culture par l’expérience. Si on stoppe l’enfant chaque fois qu’il ou elle tape ou mord, si on signifie que cela nous fait mal ou que cela nous choque, que cela blesse la personne tapée ou mordue, si dans notre maison, aucun adulte ne tape, il me semble que l’enfant va ainsi comprendre que “ce n’est pas bien”.
À RETENIR :
- Le comportement violent de l’enfant est une réaction physique à l’émotion ressentie qui est tout à fait normale. Observez-le attentivement pour découvrir quelle émotion le pousse à faire ce geste.
- Ce comportement peut être la répercussion de ce que vit l’enfant au quotidien. Interrogez-vous sur ce qu’il subit sur le moment et qu’est ce qui peut le mener à faire ce geste.
- Soyez d’une écoute bienveillante et apprenez-lui à exprimer son émotion autrement.
Lauranne, maman de deux enfants, est consultante et formatrice en éducation positive. Elle est persuadée qu’une communication douce et bienveillante permet d’avoir des rapports sereins avec les enfants. N’hésitez pas à la contacter si vous avez des questions sur la manière de communiquer et réagir avec les enfants ou adolescents, elle sera là pour vous donner de nombreuses solutions aussi bienveillantes qu’efficaces.
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